Dans sa dernière note présentée au premier ministre, intitulée « Fiscalité des revenus du capital », le Conseil d'analyse économique (CAE) préconise une nouvelle taxe sur les loyers implicites. Une recommandation qui fait couler beaucoup d'encre.
Qu'est-ce qu'un loyer implicite ?
Le raisonnement derrière l'idée de loyer implicite est simple. Quand un propriétaire décide de louer un logement, il est imposé sur les revenus qu'il perçoit. S'il décide au contraire d'habiter son bien, il reçoit un avantage en nature : le fait d'être logé. C'est dont cette somme imaginaire qu'il se paie à lui-même que le CAE voudrait pouvoir taxer. D'après Agnès Bénassy-Quéré, membre du conseil, « choisir d'acquérir son logement ou d'habiter en location est un choix personnel. L'État n'a pas à intervenir dans ce choix par des incitations fiscales. »
Cette idée n'est pas nouvelle. Comme nous vous le montrerons dans la deuxième partie de cet article, de nombreux pays d'Europe pratiquent la taxe sur les loyers fictifs. En France, une telle imposition était en vigueur entre 1914 et 1964, et elle semble revenir dans l'air du temps. L'économiste Thomas Piketty y faisait référence dans son livre publié en 2011 et intitulé « Pour une révolution fiscale ». En mars dernier, l'OCDE disait dans son rapport annuel sur la France que « l'immobilier résidentiel jouit d'avantages fiscaux considérables. » Enfin, les loyers implicites étaient également cités dans un rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale.
Un rééquilibrage de la fiscalité
S'il s'agit d'un rééquilibrage ou d'une tentative de revoir les priorités en matière de taxes immobilières, ce dernier rapport est bel et bien reçu par certains comme une offensive à l'encontre des Français propriétaires.
D'après Agnès Verdier, qui dirige l'iFRAP (un laboratoire d'analyse des politiques publiques connu pour ses tendances libérales), une taxe sur les loyers implicites équivaudrait à faire baisser la valeur des biens de façon instantanée. D'après madame Verdier, les propriétaires sont déjà taxés sur les logements qu'ils occupent, et ce via la taxe foncière et l'impôt sur la fortune. Ainsi, l'application d'une nouvelle taxe reviendrait à imposer doublement les propriétaires.
Les leçons de l'Europe
Un équivalent de la taxe sur les loyers implicites a été adoptée en Suède, en Suisse, aux Pays-Bas, au Danemark et en Belgique. Dans plusieurs de ces pays (principalement les Pays-Bas), l'effet a été inattendu, puisqu'on a vu l'accession à la propriété augmenter pour tirer parti de certaines particularités des systèmes fiscaux. En Suède, des mesures ont été nécessaires en 2007 pour limiter l'explosion de la taxation subséquemment à la mise en place d'une taxe sur les loyers implicites.
Le problème est toujours le même : comment estimer la valeur d'un logement dans un marché en perpétuel flux ; et donc comment taxer les propriétaires sur un loyer fictif réaliste pour l'année en cours ? Le gouvernement belge n'a par exemple par réévalué ses chiffres depuis 1990, quand les valeurs locatives de 1975 avaient été indexées à l'inflation. La Hollande, citée plus haut, calcule les loyers en pourcentage de la valeur d'un logement.